3 questions à Marie-Laure Mourre

Marie-Laure Mourre est spécialiste des sciences comportementales. Elle est maître de conférence à l’IAE Gustave Eiffel de l’Université Paris Est Créteil depuis 2016.

 

Il n’y a pas une journée qui se passe sans que nous n’entendions parler du dérèglement climatique et de ses impacts dramatiques sur la planète. On sait par exemple que les transports publics sont une alternative moins polluante que la voiture individuelle. Pourtant, en ville 40 % des trajets de moins de 3km se font en voiture individuelle. Pourquoi c’est si dur d’adopter un comportement plus vertueux ?

Parce qu’il ne suffit pas de savoir pour changer ! Nos habitudes sont difficiles à changer car modifier son comportement demande des efforts : il faut s’informer, faire des démarches…   C’est un coût psychologique qui peut être un frein. On peut aussi considérer qu’utiliser les transports publics va à l’encontre de son intérêt personnel et y voir plus d’inconvénients que d’avantages : certaines personnes estiment perdre en confort, en intimité, en flexibilité. On peut aussi tout simplement ne pas avoir de solution pratique pour effectuer ses déplacements en transport en commun. Et quelquefois, le frein sera aussi de penser que si on est seul à adopter un comportement vertueux et que les autres ne le font pas, alors ça ne sert à rien. Bref, il existe beaucoup de raisons de résister à l’adoption de nouveaux comportements…

 

Et alors, comment faire pour dépasser ces résistances ?

Pour cela, il faut comprendre la logique qui sous-tend les comportements. Les sciences comportementales enseignent qu’ils sont la résultante de trois facteurs : les compétences (l’ensemble de ce que je connais et de ce que je sais faire), les opportunités (les possibilités de mettre en œuvre le comportement) et enfin la motivation individuelle (l’envie personnelle de faire quelque chose). Pour favoriser l’adoption d’un comportement, on peut agir sur ces 3 variables :

  • augmenter les compétences via la communication, l’éducation, la formation ;
  • augmenter les opportunités en améliorant les infrastructures et en créant des incitations tarifaires, règlementaires ou fiscales ;
  • augmenter la motivation en proposant à l’individu un comportement qui présente plus d’avantages immédiats que l’ancien.

C’est l’idée principale du « marketing social » qui consiste à utiliser ce qui fait la force du marketing et à l’appliquer, non pas à des objectifs commerciaux, mais à des objectifs sociaux.

 

Avez-vous un exemple de programme de ce type ? Quelle a été l’approche adoptée et pour quels résultats ?

Pour lutter contre l’obésité infantile, un programme de marketing social a été mis au point par l’association Vivons en forme. L’objectif est d’encourager les bonnes pratiques alimentaires en termes de portion en autonomisant les acteurs. L’idée est que les enfants et les adultes puissent faire les bons choix en toute autonomie. Pour y parvenir, les programmes sont développés en co-construction avec toutes les parties-prenantes, testés à petite échelle, améliorés puis déployés à échelle réelle avec des objectifs précis et mesurables. Aujourd’hui, ces ateliers à destination des enfants mais aussi du personnel des cantines et des animateurs périscolaires sont menés en partenariat avec les 150 villes participantes. On y parle de la vraie vie – nuggets, frites, friandises plutôt que brocolis – le tout de manière ludique, simple et facilement mémorisable. En 4 ans de programme, près de la moitié des enfants en surpoids ont vu leur état pondéral s’améliorer. Une vraie réussite